Genre: Contemporain.

No et moi, Delphine de Vigan.

Résumé:

Adolescente surdouée, Lou Bertignac rêve d'amour, observe les gens, collectionne les mots, multiplie les expériences domestiques et les théories fantaisistes.

Jusqu'au jour où elle rencontre No, une jeune fille à peine plus âgée qu'elle. No, ses vêtements sales, son visage fatigué, No dont la solitude et l'errance questionnent le monde. Pour la sauver, Lou se lance alors dans une expérience de grande envergure menée contre le destin.

Mais nul n'est à l'abri...

Mon avis, 17/20.

Un livre qui avait attiré mon attention en librairie sous une autre couverture (celle du film que je n'ai pas vu en passant). Le résumé m'avait plu puis je me suis renseignée en lisant les avis et je l'ai aussitôt inscrit sur ma wishlist. D'ailleurs, il fait parti du challenge wishlist !

Un livre qui m'a beaucoup remuée. Poignant avec une écriture absolument superbe. Réaliste, crédible. Tout simplement fort, je dirais. Je suis passée par toutes les émotions.

« A partir de quand il est trop tard ? Depuis quand il est trop tard ? Depuis le premier jour où je l'ai vue, depuis six mois, deux ans, cinq ans ? est-ce qu'on peut sortir de là ? Comment peut-on se retrouver à dix-huit ans dehors, sans rien, sans personne ? Sommes-nous de si petites choses, si infiniment petites, que le monde continue de tourner, infiniment grand, et se fout pas mal de savoir où nous dormons ? Voilà les questions auxquelles je prétendais répondre. Mon cahier est plein, j'ai fait des recherches complémentaires sur Internet, j'ai regroupé des articles, découvert des enquêtes, j'ai synthétisé des chiffres, des statistiques, des tendances, mais rien de tout cela n'a de sens, rien de tout cela n'est compréhensible, même avec le plus gros Q.I du monde, je suis là, le cœur en miettes, sans voix, en face d'elle, je n'ai pas de réponse, je suis là, paralysée, alors qu'il suffirait de la prendre par la main et de lui dire viens chez moi. »

Les -: Mes points négatifs ne sont pas réellement des moins (et c'est pour ça que je ne vais rien mettre en gras ^^). C'est ce qui fait le charme du livre mais mes espoirs déçus ont juste envie de parler. La fin est en suspens, on se pose tellement de questions, on a le cœur serré. Elle nous laisse à nos réflexions et nos doutes. On sait mais on aimerait bien une jolie fin, être rassuré. Même si justement, le fait que ce soient ces lignes les dernières et pas d'autres rendent le livre crédible, vrai. Le personnage de No reste un mystère bien qu'on en apprend sur elle et que l'on s'attache autant que Lou s'attache. Au fond, on ne connaît ni ses motivations ni ses pensées ni ses réels sentiments.

Les +: Lou Bertignac a treize ans et possède un quotient intellectuel beaucoup plus élevé que la moyenne. Elle est en seconde, en retrait des autres élèves, mais est secrètement amoureuse de Lucas qui la surnomme Pépite parce qu'il est le seul à l'avoir percée à jour. Lou a ses propres habitudes. Elle aime se prêter à des expériences farfelues et ce qu'elle aime par-dessus tout: c'est observer les gens dans les gares. C'est dans ces lieux que Lou rencontre No, une sans-abri. Piquée par la curiosité, poussée par une compassion qui se déploie en elle face à une adolescente dans la rue, et amenée à faire un exposé sur les sans domicile fixe. Lou va la voir, la revoir, et s'attacher à elle jusqu'à discerner en elle l'amie et la sœur qu'elle n'a jamais pu réellement avoir. Elle va vouloir faire beaucoup pour l'aider. C'est un roman au point de vue interne et je trouve simplement incroyable que Delphine de Vigan ait pu rentré aussi facilement dans la peau d'une enfant de treize ans. Lou a ses mots à elle, ses expressions, sa vision de voir le monde. Elle est le narrateur et elle est tellement présente et tellement authentique qu'elle nous semble réelle. Je me suis énormément identifiée à ce personnage jeune et simple qui a envie de changer ce qui se passe autour d'elle tout en se rendant pertinemment compte que « Il ne faut pas espérer changer le monde car le monde est bien plus fort que nous ». A travers son ton, ses illusions et ses espoirs, nous sentons qu'elle est mature mais elle ne fait pas plus que son âge. J'ai vraiment trouvé qu'elle était merveilleusement exploitée. Et avoir une telle histoire de son point de vue, c'est garder une certaine légèreté au roman. Le thème abordé, je l'ai trouvé dur mais important à mon sens car combien de fois ai-je pensé à tout ça ? C'est la vie. Les divergences qu'il peut y avoir, l'injustice, l'incapacité à agir, le fait que tout soit réglé et qu'un geste ne peut rien changer, le sentiment d'étouffer dans une existence. C'est beau, c'est fluide. L'écriture allège le récit qui même avec des nuances d'espoir est sombre. Mais c'est triste. Et c'est ça qui rend ce livre si poignant. La vision d'une jeune adolescente sur un monde qui ne tourne plus tout à fait rond. Je trouve que mon impression et mes réactions n'auraient pas été les mêmes si le narrateur aurait été plus âgé et si il n'y avait pas toutes ces réflexions insouciantes qui relève de l'enfance. A travers son narrateur, l'auteure capte l'attention et dénonce ce que nous voyons tous les jours mais sur lesquels on préfère plus ou moins fermer les yeux. J'ai relevé des tas et des tas de citations plus magnifiques et réalistes les unes que les autres. Il y a une émotion à travers le style d'écriture qui est immanquable et qui nous frappe. C'est un livre qui nous parle, qui nous raconte une histoire, une vie, qui met des touches de couleurs et de noirs, qui nous donne à réfléchir. Il m'a été impossible de rester de marbre en tournant les pages. Les pincements au cœur et les sourires se succédaient. Je me suis attachée à No et je me suis sentie immensément proche de Lou. Je me suis mise à cogiter et j'ai eu envie de changer le monde, moi aussi. C'était une très belle et bonne lecture, et peut-être si j'ai la chance, je retenterai avec un autre écrit de Delphine de Vigan. 

« On est capable d'envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l'espace, d'identifier un criminel à partir d'un cheveu ou d'une minuscule particule de peau, de créer une tomate qui reste trois semaines au réfrigérateur sans prendre une ride, de faire tenir dans une puce microscopique des milliards d'informations. On est capable de laisser mourir des gens dans la rue. »

Je le conseille à: Si vous ne le lisez pas, vous ratez quelque chose. Je le conseille à tout le monde. Le livre est court (249 pages dans mon édition) et se lit vite, comme dit Lucas en parlant de Lou, je dirais que c'est une petite Pépite.

Prochaine lecture: La famille York, tome 2: Coeur brisé, Victoria Dahl.